Dans une démocratie vivante, dialoguer n’est pas une faveur accordée par le pouvoir, ni une stratégie de survie pour l’opposition : dialoguer est la règle, pas l’exception. Les acteurs politiques, dans leur diversité, sont appelés à se retrouver périodiquement ou en cas de nécessité, non pour sauver des carrières, mais pour sauvegarder l’essentiel : l’intérêt supérieur de la nation. Déjà, dans mon ouvrage intitulé : « La révolution en marche », j’avais dit ceci :
« Dans un contexte où la démocratie doit se renforcer et s’adapter aux enjeux contemporains, il est impératif d’instituer un mécanisme permanent de concertation nationale. Trop souvent, le dialogue politique est conditionné par la seule volonté du Chef de l’État, ce qui le rend instable et opportuniste. Pour remédier à cette situation et garantir un climat politique serein et inclusif, nous proposons la création d’un Conseil National du Dialogue Politique et de la Liberté (CNDPL). Cet organe consultatif autonome sera le garant d’un dialogue permanent et constructif entre les forces vives de la nation. » je continuais pour dire : « Le CNDPL aurait pour mission principale d’assurer un dialogue politique permanent et de veiller au respect des libertés fondamentales. Ses fonctions incluraient :
Garantir un dialogue politique constant : Il organisera régulièrement des sessions de concertation sur les grandes orientations politiques du pays, en présence des acteurs concernés.
Proposer des réformes et recommandations : Il soumettra des avis consultatifs au gouvernement et au parlement sur les questions liées à la gouvernance, à la transparence et aux réformes institutionnelles.
Protéger les libertés fondamentales : Il servira de vigie pour garantir le respect des libertés acquises, notamment la liberté d’expression et de manifestation, en publiant des rapports périodiques sur l’état des libertés publiques.
Médiation et prévention des crises : En cas de tensions politiques ou sociales, il interviendra comme instance de médiation impartiale pour éviter des dérapages et préserver la stabilité du pays.
Le CNDPL ne dépasserait pas 30 personnes, représentatrices des forces vives de la nation, et serait dirigé par une personnalité consensuelle proposée par le Chef de l’Etat et approuvée par l’assemblée nationale. »
Tel est mon entendement du dialogue politique qui est une concertation régulière uniquement pour l’intérêt supérieur de la nation.
Malheureusement, cet intérêt supérieur semble n’être aujourd’hui qu’un mirage, agité pour légitimer des rencontres où les calculs politiciens prennent le pas sur les attentes légitimes du peuple. D’un côté, une opposition sans projet, qui préfère spéculer sur les faux pas du duo Diomaye-Sonko et prier pour une scission entre les deux « jumeaux souverains », comme si leur chute suffisait à construire une alternative crédible. De l’autre, des coalitions politiques sans boussole idéologique, prêtes à s’acoquiner avec le pouvoir ou à jouer les figurants dans un théâtre où les scénarios sont déjà écrits.
Quant aux tenants du pouvoir, faut-il rappeler la dissimulation partielle du processus électoral menant aux législatives de novembre 2024 ? Faut-il encore évoquer le va-et-vient irrespectueux autour de la déclaration de politique générale du Premier ministre, où le peuple a été baladé comme un figurant secondaire de sa propre histoire ? Et aujourd’hui, on voudrait nous faire croire à un dialogue sincère et inclusif, alors que nous savons tous que les conclusions seront soumises à l’approbation des humeurs du duo présidentiel, comme ce fut le cas lors de la concertation dirigée par le ministre de l’Intérieur à la veille des élections législatives.
Derrière ce dialogue national, se cache un agenda politique, où chaque chapelle vient défendre ses intérêts et non ceux du peuple. Qui, alors, parlera au nom exclusif du peuple ? Qui osera dire « oui » ou « non », non pas pour plaire à un leader ou à une coalition, mais par fidélité aux souffrances du quotidien sénégalais ?
Car pendant que l’élite se dispute les miettes du pouvoir, le peuple ploie sous le poids de ses réalités :
Le coût du loyer à Dakar, devenu inhumain ;
La flambée des prix des denrées de première nécessité ;
Les inondations qui reviennent chaque hivernage comme une malédiction ;
La justice à deux vitesses, Coumba am nday et Coumba amoul nday
Le chômage endémique des jeunes, diplômés ou non ;
L’émigration clandestine avec ses dégâts collatéraux
L’insécurité alimentaire, silencieuse mais destructrice ;
Les difficultés d’accès à la santé, à l’eau potable, au logement ;
Le prix du mouton de Tabaski, qui nous empêche tous de dormir
Ces sujets, personne ne les aborde dans ce dialogue, parce qu’ils n’intéressent pas ceux qui veulent uniquement abattre le duo présidentiel ou, pire, s’assurer une place à ses côtés pour durer dans le système. Lii mooy deug.
Alors que vous y êtes, commencez par ces trois chantiers urgents :
Le parrainage : Revoyez-le pour qu’il ne soit plus un filtre arbitraire au service du pouvoir. Il doit être utilisé pour rationaliser et légitimer les partis politique et les coalitions. Pour créer un parti politique où une coalition de parti, il faut au moins 100000 signatures valables. Les partis déjà existant doivent se conformer à cet exercice de légitimation sous peine de perdre son récépissé. Après ce processus, tout parti régulièrement constitué peut participer aux élections après avoir rempli les autres conditions spécifiques à chaque élection.
La représentation parlementaire : L’Assemblée doit refléter le poids réel des forces politiques. Une réforme de la loi électorale s’impose pour garantir une représentation juste et équilibrée entre le pouvoir et l’opposition.
La rupture avec les deals politiciens : Épargnez-nous une nouvelle fois des arrangements de couloirs entre leaders politiques. Le peuple mérite mieux. Il mérite la vérité, la justice, la dignité.
Le dialogue ne doit pas être un simple rituel politicien. Il doit être une réconciliation avec le peuple, une prise de responsabilité collective, un engagement sincère à construire un avenir commun, au-delà des chapelles.
Si tel n’est pas le cas, alors ce dialogue ne sera qu’une nouvelle mascarade, un épisode de plus dans la longue série du désenchantement national
Ndongo NDIAYE
Candidat à l’élection Présidentielle de 2024
Président du PPP