Le procès de sept proches de l’ultradroite soupçonnés de s’être réunis après la demi-finale France-Maroc disputée le 14 décembre pour s’en prendre à des supporters marocains s’ouvre vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris. Cette nuit-là, de nombreux incidents racistes avaient émaillé les festivités d’après-match dans la capitale et dans d’autres grandes villes françaises, la gauche dénonçant des « ratonnades » et une « chasse aux Arabes ».
Il est un peu plus de 22 heures ce 14 décembre lorsque retentit le coup de sifflet final du match France-Maroc remporté par les Bleus. Des milliers de supporters français et de la sélection marocaine se déversent alors dans les rues de la capitale et commencent à se diriger vers les Champs-Élysées. Les uns pour célébrer la qualification en finale de l’équipe de France, les autres pour rendre hommage au parcours historique du Maroc, première équipe africaine à atteindre une demi-finale de Coupe du monde.
Mais à la sortie d’un bar du 17e arrondissement, un groupe d’individus encagoulés attire l’attention des policiers déployés en nombre pour prévenir tout débordement. Les fouilles réalisées sur ces hommes âgés de 17 à 36 ans et appartenant pour la plupart à des groupuscules identitaires font apparaître un arsenal éloquent : matraque, gants coqués et bombes lacrymogènes sont saisis par les forces de l’ordre, qui décident du placement en garde à vue de 38 personnes.
Parmi elles, sept sont renvoyées, vendredi 13 janvier, devant le tribunal correctionnel de Paris pour « port d’armes prohibées » et « groupement en vue de commettre des violences et des dégradations », une infraction pour laquelle ces militants de l’ultradroite encourent une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros.
Un habitué des opérations coups de poing
Placés sous contrôle judiciaire, les prévenus sont tous de jeunes hommes nés entre 1999 et 2002. Certains sont étudiants, d’autres intérimaires ou encore agent immobilier. Mais sur le banc des accusés, un profil attire plus particulièrement l’attention : celui de Marc de Cacqueray-Valmenier, ex-responsable des Zouaves Paris, un groupuscule néonazi créé en 2018 par d’anciens adhérents du GUD – le Groupe union défense, une organisation étudiante d’extrême droite – et d’anciens hooligans.
À seulement 24 ans, ce fiché S qui défend la supériorité de la race blanche est une figure centrale de l’ultradroite française et une vieille connaissance de la justice. Il a notamment été condamné à plusieurs mois de prison avec sursis pour des violences lors d’une manifestation des Gilets jaunes le 1er décembre 2018, jour où l’Arc de Triomphe a été saccagé, puis incarcéré pour avoir violé à plusieurs reprises son contrôle judiciaire.
En janvier 2022, le jeune homme issu d’une famille d’aristocrates catholiques et traditionnalistes écope d’un an de prison pour l’attaque d’un bar à Paris où des militants antifascistes avaient l’habitude de se réunir.
Cet adepte des sports de combat est également mis en examen pour des violences volontaires commises contre des militants de SOS racisme qui avaient perturbé un meeting d’Éric Zemmour en décembre 2021 pour alerter sur la banalisation des discours d’extrême droite en France.
Mais le procès qui s’ouvre à Paris ne représente que la partie émergée de l’iceberg des violences commises après la demi-finale de la Coupe du monde : coups, insultes, slogans racistes… Des centaines d’individus proches de l’ultradroite ont défilé dans plusieurs grandes villes françaises en même temps que des supporters des Lions de l’Atlas. À Lyon, quatre personnes ont été mises en examen dans le cadre de ces incidents. Par ailleurs, une instruction a été ouverte contre X pour « violences à caractère raciste ».
« Il est important que ces procès fassent la lumière sur la manière dont ces individus ont organisé cette violence qui était préméditée et annoncée », estime Thomas Portes, député de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) et président de l’Observatoire national de l’extrême droite, qui a demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire après les incidents de France-Maroc.
« Depuis la dissolution de Génération identitaire, le paysage des groupuscules d’extrême droite a évolué, s’est densifié et est de plus en plus violent. La dissolution des groupes est une arme politique qui reste insuffisante. Cela n’a échappé à personne que le GUD mène à nouveau des actions après avoir été en sommeil pendant plusieurs années. Il y a un travail beaucoup plus précis à faire pour identifier ces gens-là et leurs moyens de financement, et éviter des passages à l’acte qui parfois mènent au pire », estime l’élu de Seine-Saint-Denis.
À gauche, de nombreuses voix pointent également du doigt la responsabilité de certains responsables politiques dans les événements qui ont entaché les festivités d’après-match. « Il y a une responsabilité politique de l’extrême droite et de certains médias qui, pendant une semaine avant France-Maroc, ont préparé tous les jours les esprits en annonçant des incidents », assure Thomas Portes. « Quand vous attisez la haine et que vous soufflez sur des braises déjà ardentes, il se produit derrière des choses inadmissibles. »
AFP