C’est devenu comme une drogue chez de nombreux jeunes, le Pari Foot. A Dakar, les kiosques à jeux sont régulièrement bondés de personnes à la quête d’argent sans sueur.
Presque du lever du jour à la tombée de la nuit, de nombreux jeunes envahissent les kiosques et les Games-centers installés un peu partout à Dakar. Parmi ces jeux, il y a le Pari foot qui invite à parier sur des matchs de football et beaucoup de jeunes, s’adonnent à ce jeu de hasard, qui leur permet de se remplir les poches sans se fatiguer. Certes, c’est un moyen facile et rapide pour se faire de l’argent, mais c’est aussi l’une des choses qui peut ruiner la vie du parieur quand il en devient trop dépendant. Devant un kiosque à jeux qui se trouve au quartier Hlm de Dakar, un jeune, à peine 14 ans, mine serrée, est concentré sur une machine. Tout d’un coup, il s’écrie: «J’ai gagné !» Ensuite, très réticent au début à répondre aux sollicitations, il se lance dans des explications : «Je prélève chaque jour quelques pièces sur la somme de 300 francs Cfa que mes parents m’offrent pour aller à l’école. Cela me permet de jouer au Pari foot. Parfois, je reste en classe toute la matinée sans prendre mon petit-déjeuner, je préfère jouer au Pari foot que d’acheter de quoi grignoter». La plus grosse cagnotte qu’il dit avoir gagné s’élève à 33 000 francs Cfa. «Depuis lors, je ne gagne que des sommes insignifiantes. J’ai décidé de ne plus jouer, car non seulement cela prend mon temps, mais me rend davantage plus pauvre», a-t-il confié. Juste à côté de lui, Mamour Ndiaye, âgé de 20 ans, ne porte que le club de foot français, le Paris Saint-Germain, dans son cœur. Mais, cela lui coûte parfois cher: «C’est Messi qui a fait que je parie, mais je n’ai jamais reçu une forte somme. Le peu d’argent que j’ai pu gagner, m’a permis d’acheter un ensemble sportif du PSG. Baba Ndao, 19 ans, porte un sac au dos. Il révèle: «Je me suis adonné au Pari foot pour aider ma maman au cas où je gagne. Depuis que j’ai 16 ans et jeune écolier en classe de 3ème, je suis soutien de famille. Parce que je suis l’enfant unique de ma maman. Je l’aide à joindre les deux bouts. C’est pourquoi, il arrive qu’elle me donne de l’argent pour aller parier. Et à chaque fois, je reviens avec quelque chose à la maison».
Parfois, des conflits familiaux
Fatoumata Sarr, 38 ans, accompagnée de sa fille, indique que l’argent facile n’a jamais donné de bons résultats. «La jeunesse doit changer de paradigme, prendre le temps d’étudier, de cultiver la connaissance avant de penser à se remplir les poches», lance-t- elle, l’air nerveux. Mieux, elle ajoute: «Vouloir à tout prix satisfaire ses besoins peut conduire à d’autres dangers comme les vols
et agressions qui se multiplient jour après jour. Ces phénomènes sont pour la plupart provoqués par le jeu de hasard à travers lequel, des jeunes cherchent parfois à récupérer l’argent perdu, quoi que cela pourrait leur coûter. Ce qui affaiblit le niveau des élèves». Sous couvert de l’anonymat, une autre dame d’expliquer ce qu’elle a vécu au sein de sa famille : «Mon petit frère âgé de 12 ans était obsédé par ce jeu, il est allé même jusqu’à voler de l’argent à notre père pour satisfaire son plaisir. Ce dernier a porté plainte contre le gérant du kiosque à jeux parce que l’enfant est mineur pour participer à ce pari. Quand j’attends le nom Pari foot, cela me met hors de moi». Mamadou Diop, habillé en veste bleu, papier de journal à la main, rejette le jeu de hasard qui, selon lui, «impacte l’éducation» des enfants. Il poursuit: «Le pari est interdit même par la religion musulmane mais, malgré tout, l’on voit des jeunes et même des personnes du troisième âge devant les kiosques en train de chercher ce que j’appellerai de l’argent facile». Pour lui, l’Etat doit agir pour encadrer ce secteur. «C’est un jeu interdit au moins de 18 ans mais l’on y constate la participation de jeunes n’ayant pas l’âge requis pour parier», affirme-t-il, assis sur une chaise près d’un kiosque. Dramane Cissé, un père de famille croisé au marché Hlm renseigne qu’il n’a jamais été tenté par le jeu, qu’il dénonce. «Confrontés au manque d’emplois et à la fuite de responsabilité de certains parents, nombreux sont les jeunes qui s’attardent à ces jeux. Si nos jeunes avaient l’esprit de créativité et d’entrepreneuriat, avec l’appui de nos gouvernants et l’engagement des parents, le Sénégal allait être meilleur», conseille-t-il.
Aminata TOURÉ (Stagiaire)