Au Musée des civilisations noires, symbole de la mémoire et de la dignité africaines, se déroule un événement intellectuel exceptionnel : Afrique – Le MUNTU en mouvement. Les 22 et 23 octobre 2025, deux jours sont consacrés à une réflexion approfondie sur le concept de Muntu, cette philosophie africaine de l’existence et de la vie en communauté, confrontée aux contributions et aux contradictions de la modernité occidentale.
Au cours de ces deux journées, le musée se transformera en un véritable laboratoire d’idées. Des panélistes venus du Sénégal et d’autres pays africains échangeront sur divers thèmes. Moussa Sène Absa, figure clé de ce rassemblement, a partagé une réflexion passionnante sur la place de l’artiste africain dans la réappropriation du concept de MUNTU : « L’artiste est celui qui réveille le Muntu qui sommeille en nous. Il n’est pas seulement créateur de formes, mais également gardien d’une conscience. Le MUNTU est un cinéma intérieur, un miroir dans lequel l’Afrique doit se contempler sans artifice. », a-t-il affirmé.
Dans son intervention, Mouhamed Abdallah Ly, le Directeur général du MUNTU, soutient que : « Ce concept nous offre aujourd’hui un outil critique pour interroger les fondements d’un monde en crise : crises écologiques, violences postcoloniales, dérives autoritaires, fragmentation du lien social. Penser le MUNTU, c’est résister à la déshumanisation. C’est réaffirmer, face à la marchandisation généralisée, une philosophie du vivant où l’humain ne vaut pas par sa productivité, mais par sa capacité à tenir parole, à cohabiter, à prendre soin » a-t-il souligné.
Pour lui, en accueillant ce colloque, notre musée affirme une conviction simple : l’Afrique n’est pas périphérique dans le débat intellectuel mondial. Elle y est centrale, stratégique, innovante. Le MUNTU ne s’oppose pas à l’universel. Il le déplace, le décentre, le pluralise. Il nous rappelle que l’humanité est une construction, et non une donnée ; et que nous devons sans cesse la reconfigurer à partir de nos expériences, nos luttes, nos mémoires.
Sous l’égide du mouvement MUNTU, le cinéaste sénégalais Moussa Sène Absa, en collaboration avec Saiba Bayo, a organisé cette rencontre qui a rassemblé des intellectuels, artistes, philosophes et universitaires de six pays africains. Ensemble, ils s’efforcent de redéfinir les bases de l’identité africaine à travers le prisme du monde contemporain, avec une approche ouverte, critique et renaissance. Dans plusieurs langues bantoues, le terme Muntu signifie « l’homme », mais il va au-delà de la simple identification biologique, en engendrant une philosophie de l’être en relation, où exister signifie vivre avec et pour autrui, en harmonie spirituelle avec la communauté et la nature.
Ainsi, le concept de MUNTU se trouve au centre de la vision du monde africaine, représentant la vibration de l’existence collective et le souffle qui unit chaque individu à l’ensemble. Dans sa déclaration d’ouverture, il a souligné que Le MUNTU en mouvement ne se limite pas à une simple revisite du passé, mais représente une philosophie dynamique, invitant à repenser la modernité à partir de l’Afrique, tout en intégrant les acquis de la pensée occidentale sans en être captif. « L’Afrique n’ignore pas l’Occident, affirmait Bayo, elle le remet en question. »
Ce forum ne se limitait pas à un simple colloque académique ; il évoquait plutôt une expérience collective de réenchantement du monde. Alliant philosophie, art, poésie et engagement, Le MUNTU en mouvement a démontré que l’Afrique aspire à devenir actrice de sa propre pensée au lieu de rester spectatrice. Le concept du MUNTU, revitalisé par des voix comme celles de Moussa Sène Absa et Saiba Bayo, rappelle que la véritable modernité est humaine et non technologique, stipulant l’importance de la vie, de la solidarité et du partage, dans un monde qui privilégie les chiffres et les profits.
Samba NDOYE











